lundi 25 février 2013

L'ensemble Mélosphère d'Helmut Lipsky avec Karen Young

Hier, la Maison de la musique Sorel-Tracy nous a présenté un spectacle rempli de bulles de champagne vocales et musicales et de somptueuses compositions à couper le souffle d'un public nombreux, privilégié et comblé.

D'abord une composition sensuelle du violoniste Helmut Lipsky, Latingo, qui rassemblait des cultures latines, brésiliennes dans une interprétation extraordinaire avec une chanteuse qui a su nous faire voyager à travers les pays et les zones vocales inhabituellement exploitées.  Chaque instrumentiste démontrait  à son tour sa fine relation avec la musique, avec le monde, avec la vie.  Entraînant  ainsi les auditeurs dans des voyages intérieurs sans fin. Remarquable.

Puis une pièce reliée à une tigresse fémina.   La transformation de chaque instrument qui sait nous renouveler l'écoute, nous amener ailleurs.  Des musiciens qui ne font pas de la musique mais qui sont musique dans tout leur corps.  A croire que leurs pores de peau sont musicales.

Puis un texte de Gilles Vigneault, L'été vient d'éclater. Une chanson remplie de vie, de soleil et de sensations.  Une voix qui épouse, avec harmonie, audace et fantaisie, la réalité si bien décrite. Splendide.  Les instruments nous livrent des interludes musicaux entre les paroles qui nous permettent d'être encore dans la poésie même sans le texte.

 Puis un Agnus Dei, en latin, chanté avec tant d'intensité que même l'Éternel doit avoir joui là-haut. En tout cas, nous, ici-bas, avons savouré largement cette interprétation.

Puis Noir et blanc,  composition de Vladimir Sidorov, à l'accordéon russe, accompagné de ses collègues.  Chaque instrumentiste écoute l'autre, regarde l'autre avec tant d'attention et de respect, leur union musicale est telle que j'ai senti des ondes musicales orgasmiques.  La fameuse tension-détente des cadences musicales... Une union transcendante.

Karen Young utilise le microphone si finement,  comme une extension de son propre corps. Une telle maîtrise de cet objet saisit.  Plus ou moins rapproché, et tout est transformé.  Un murmure qui se découvre jusqu'à une explosion de voix grandiose. Par l'expérience acquise, elle caresse aussi la percussion avec les balais  tantôt en accentuant les temps forts, tantôt en flattant les temps faibles, elle suit le violoniste  du regard à travers sa frange de cheveux humide, un échange de regards, de sourires entre les musiciens et aussi avec leur public. Quelle magie.

Ils nous donnent l'impression de jouer de la musique, c'est cela des gens qui jouent de la musique.  Ils s'amusent avec leur public, ils redeviennent des enfants de la Musique, leur complicité, leur complémentarité, on ne sent plus leur ego, on sent l'union.  La simplicité de l'âme que seuls les grands musiciens peuvent nous transmettre.

Ils sont tellement au-dessus des difficultés techniques qu'ils maîtrisent si bien, qu'on croit voir des jeunes gens qui s'amusent, malgré leurs cheveux blancs.  Faut le faire, des oeuvres d'une grande complexité qui paraissent des joutes de gamins. Parfois endiablés, parfois fantaisistes, parfois d'un lyrisme tendre, chaque instrumentiste sait aussi se transformer en percussionniste en percutant son instrument, son frère de vie musicale. Humour, surprises, des bulles de champagne, dis-je,... Des surprises musicales qui pètent, qui éclatent...

Un dialogue du contrebassiste Jean-François Martel et du violoniste Helmut Lipsky en pizzicati d'une rare beauté, on s'en souviendra longtemps. On fait sauter les barrières du conformisme. Sans retenue, je sens des libres-penseurs musiciens.  En québécois, on dit: ils savent se lâcher lousse. On peut se demander, y a-t-il des choses qu'ils ne sauraient faire, musicalement? Il me semble qu'ils peuvent tout jouer, tout faire sonner. 

Une image de maman lapine avec ses petits me revient pour expliquer la complicité que j'ai sentie  à ce concert d'hier. Il me semblait qu'ils jouaient parfois au hockey, et qu'ils se passaient des rondelles de musique pour faire des passes pour rejoindre le but d'une résolution de tension musicale.

Dans la pièce basée sur le 3e mouvement d'un quatuor de Schumann, il m'a semblé que la voix de la chanteuse coulait dans le son du violon comme en une seule ligne, comme un seul souffle.  Épatant. Même bouche fermée, sa voix est un instrument incroyable qui se confond avec le son des  cordes du violon.

Une autre composition d'Helmut Lipsky, une variation à travers les époques, du moyen-âge au romantisme, jusqu'au monde contemporain puis un retour au romantisme, dans diverses langues chantées, cela exige beaucoup.  Leur corps semble se lier avec les sons. Des moments de pure magie, on croirait entendre passer les anges... On caresse son instrument, je sens la vie, je vis.

Karen Young nous parle alors que l'art est ce qui donne le plus de plaisir et d'amour.  Que la musique, l'art, son métier, quoi, cela la rend heureuse.  Et ce soir d'hier, ensemble, ils ont su nous rendre aussi heureux.

Puis Rush Delivery, une nouvelle composition d'Helmut Lipsky, tantôt assis sur le tabouret, tantôt debout, faisant corps avec son violon, il l'écoute, il le dompte, emporté parfois, il me semble que je vois Beethoven, grimaçant parfois, avec la chevelure  trempée par la chaleur...Le don...

Puis un voyage à Kyoto, un rappel du tsunami récent,  le titre japonais pour l'hiver, avec le pianiste Matt Herskowitz,  qui joue directement avec les cordes du piano sans passer par les touches, le pianiste devient harpiste... Un autre bonheur musical intense.

Comme le programme n'était pas imprimé, j'ai probablement mal  nommé les titres, j'ai tenté de m'approcher le plus possible de ce que j'ai perçu dans la description fournie par les musiciens.  Excusez-moi pour les imprécisions de ce genre.

Ce regroupement de musiciens venus de divers pays de la planète, diverses cultures, divers styles de formation,  nous rappelle que la Musique sait réunir...et est essentielle...





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