samedi 2 mai 2020

Parallèle entre la crise et la chute de l'Empire romain


Les solutions macroéconomiques ne pourront pas résoudre les répercussions de cette nouvelle pandémie. C'est une crise à la fois de l'offre et de la demande. L'offre diminue car les entreprises peuvent produire moins avec moins d'employés, distanciés pour se protéger du virus. La demande recule car les gens restent chez eux et certains biens et services qu'ils consomment habituellement ne sont pas disponibles maintenant.

Serait-ce le retour à l'économie naturelle? L'opposé exact de la mondialisation. Depuis des décennies, le succès reposait sur la division du travail entre les nations. Les pays songent désormais à rechercher l'autosuffisance. Si la normalité revenait d'ici moins d'un an, la mondialisation se poursuivrait probablement, selon l'article de Branko Milanovic publié dans le Foreigh Affairs  de New York. Il faudra pourtant revoir la production en flux tendu (just in time).

Mais si la pandémie persiste, ce pourrait être la fin de la mondialisation. Les obstacles à la libre circulation  des biens, des personnes et des capitaux pourront s'installer.   La peur d'une nouvelle épidémie pourrait inciter les États à miser sur l'autosuffisance. Se rejoindraient alors les intérêts économiques et sanitaires. Si on exigeait un simple certificat médical avant de prendre l'avion, en plus du passeport ou d'un visa, un tel obstacle nuirait au retour au monde d'avant.

Entre le  IVe et  VIe siècle, une multitude de petits territoires indépendants a émergé lors de la désintégration de l'Empire romain. Le commerce se résumait à des échanges de biens excédentaires entre les territoires. Il n'était pas question d'une économie où une production devait se spécialiser pour un acheteur éventuel. "C'était le retour à l'artisanat de subsistance, destiné au marché local et aux commandes des environs".

Etre capable de produire notre propre nourriture, ne pas dépendre des réseaux publics de distribution d'eau et d'électricité, la nourriture étant préparée par notre famille et non par des personnes potentiellement infectées, c'est une manière d'être mieux protégé d'une contamination.

La peur des épidémies et de la mort guiderait alors le retour à l'économie naturelle. Sur le plan humain, les conséquences de la pandémie risquent de conduire à une désintégration sociale. Ceux qui perdront espoir, emploi et ressources pourraient se retourner contre ceux qui sont le mieux lotis. Sans emploi ni argent, ni accès à des soins dignes, les gens pourraient tomber dans la colère et le désespoir comme lors des pillages observés après l'ouragan Katrina en Nouvelle Orléans en 2005.

Le principal objectif de la politique économique ne devrait-il pas être de prévenir une telle dislocation sociale? Les indicateurs économiques ne doivent pas aveugler les décideurs des pays avancés, mais chacun devra se rappeler que le rôle essentiel de la politique économique est de maintenir des liens sociaux forts en cette période à pression extrême.

(Source: Le Courrier international, no1536 du 9 au 15 avril 2020)