mardi 18 août 2020

Fait-on encore confiance?

Même si notre civilisation moderne tend vers l'abolition de l'incertitude, nous avons encore besoin de faire confiance. Depuis quatre mois, nous sommes obligés de faire confiance à des virologues dont les avis organisent notre vie, ainsi qu'à nos semblables afin qu'ils respectent les distances de sécurité physique. La crise engendre une perte de confiance et la perte de confiance augmente la crise. Le cercle vicieux est enclenché. On ne pourra le briser que dans le fait de pouvoir refaire confiance. C'est si volatil, la confiance.

A mesure que nous agrandissons notre espace,  notre confiance doit couvrir plus large en accélérant notre monde. On disait: " La confiance, c'est bien, le contrôle, c'est mieux". Aujourd'hui, on dirait: " Le contrôle, c'est bien, la confiance, c'est plus rapide".

La confiance est "un mécanisme de réduction de la complexité sociale", écrivait le sociologue allemand Niklas Luhmann dès la fin des années 1960. "Sans un minimum de confiance, l'homme ne pourrait pas quitter son lit le matin. Il serait saisi d'une angoisse sourde, d'un effroi effrayant". 

Le philosophe Martin Hartmann, enseignant à l'université de Lucerne, en Suisse,  a écrit sa thèse sur la "créativité de l'habitude". Dans son dernier livre, il redonne ses lettres de noblesse à la confiance. L'enfant auquel son parent fait confiance  ne respecte pas toujours les consignes répétées par le parent. Mais cela veut aussi dire qu'il pourra aller au-devant de l'incertitude et faire ce qu'il faut pour être à la hauteur et savoir réagir aux dangers auxquels il est impossible de se préparer. Réussir à se tirer d'affaires dans l'incertitude a été créé par la confiance que le parent lui avait témoigné. Sans cette confiance, cette réussite n'aurait pas été possible.

En sciences politiques, la confiance est considérée comme le ciment qui soude nos sociétés morcelées. En sciences économiques, la confiance est un ingrédient magique qui permet la fluidité des échanges, dans la confiance, on recherche moins les garanties. La psychologie impute souvent au manque de confiance les divers troubles de personnalité. Hartmann écrit: "Tout le monde veut de la confiance, mais personne ne veut faire confiance".

Le dérèglement climatique ébranle notre confiance dans un capitalisme qui assurait une prospérité sans nuages. Le populisme ébranle notre confiance dans le compromis, le terrorisme, dans notre confiance dans la sécurité publique, les informations erronées ébranlent notre confiance dans l'existence d'une vérité susceptible de mettre tout le monde d'accord.

Faire confiance veut dire s'en remettre aux autres. Ça veut dire ne pas vouloir tout contrôler et tout maîtriser, même quand c'est possible. Ça veut dire accorder au monde, à la vie, le loisir de nous rencontrer de la manière qu'ils le souhaitent, en espérant que leurs intentions soient bonnes, sans rechercher de garantie. Pour que cette confiance existe, il nous faut décider d'agir avant de savoir.

La confiance est une force innée intérieure qui nous permet de composer avec l'incertitude, la vie même. Vivre implique d'accepter cette incertitude.

(Source: article de Marcus Jauer, publié le 27 mai dans Die Zeit, journal d'Hambourg, traduit dans le Courrier international, numéro 1549 de juillet 2020)


vendredi 14 août 2020

GNL Québec et Gazoduq du projet Énergie Saguenay: en difficulté

Le projet Énergie Saguenay  qui devait exporter du gaz naturel de l'Alberta liquifié devient de plus en plus incertain. Le personnel sera réduit pour une deuxième fois cette année. Les deux entreprises sont contrôlées par des investisseurs américains. Le 12 août, GNL Québec a licencié six employés et Gazoduq en a licencié quatre, sans préavis. En avril, une dizaine d'employés avaient subi le même sort. Une vingtaine d'employés demeurent actifs dans les deux entreprises.

La situation financière de tout le projet est difficile et nécessitait de tels licenciements, selon les dirigeants. Le BAPE (Bureau d'audiences publiques sur l'environnement) doit débuter une évaluation environnementale de l'usine de liquéfaction et du terminal maritime Énergie Saguenay dans un mois.

Dès février, le plus important investisseur attendu, le fonds Berkshire Hathaway du milliardaire Warren Buffett, décidait de ne plus aller de l'avant avec ses 4 milliards de dollars dans ce projet de 14 milliards de dollars, soit  10 milliards pour Énergie Saguenay et 4 milliards pour le gazoduc de 780 kilomètres qui devait traverser l'Abitibi et aboutir à Saguenay. Suite à cet important retrait, les promoteurs ont modifié leur mandat de lobbying au registre des lobbyistes pour obtenir un "soutien financier" du trésor public québécois.

Le gouvernement Legault a vanté ce complexe d'exportation d'énergie fossile pour "aider la planète". Pourtant, selon les données disponibles, les émissions de gaz à effet de serre liées au projet devraient atteindre plus de huit millions de tonnes par année, soit l'équivalent de 3,3 millions de voitures sur les routes du pays.

Alors que GNL Québec et Gazoduq ont toujours affirmé que leurs deux projets étaient distincts, la situation démontre maintenant que l'usine de liquéfaction et le gazoduc forment un seul et même projet. "Les équipes des deux projets sont tissées serrées " explique la société en commandite GNL Québec aux questions du Devoir.

Le projet de l'usine de liquéfaction et du terminal maritime du Saguenay doit franchir le processus d'évaluation environnementale québécois  ainsi que celui du gouvernement fédéral. Le projet du gazoduc doit faire l'objet d'un examen conjoint conduit par Québec et Ottawa.

Il y aurait un "manque d'appétit pour ce projet trop risqué d'Énergie Saguenay".

(Source: article d'Alexandre Schields dans Le Devoir d'aujourd'hui.)



mardi 11 août 2020

L'extension des privilèges du maire

Hier soir, la séance publique mensuelle du conseil municipal de Saint-Robert était accessible au public. Les séances à huis clos semblent terminées car le déconfinement semble dorénavant arrivé aux assemblées publiques mensuelles municipales. Évidemment les mesures sanitaires devaient être respectées.

Une organisation qui reçoit des services de la municipalité voit le tarif augmenter au cours des ans. Normal, pensera-t-on. L'indice du prix à la consommation semble avoir été choisi comme manière de faire croître les coûts des services fournis par la municipalité.

Le salaire du maire a augmenté de 30 %, il n'y a pas si longtemps. Les kilométrages remboursés pour les trajets réalisés au bénéfice de la collectivité et par les responsabilités des élus sont passés de 40 cents à 50 cents le kilomètre cette saison. Une croissance de 25 %.

Cependant, il semble y avoir deux poids, deux mesures dans ce conseil municipal.Le maire avait obtenu en 2019 du conseil municipal que les services d'utilisation du terrain des loisirs et du centre multifonctionel pour son événement estival Festival western de Saint-Robert demeurent au même tarif pendant cinq ans, soit pour 2019 à 2023.

Hier soir, il a fait une demande au conseil municipal afin que les mêmes conditions se prolongent d'une année supplémentaire, toujours sans augmentation de coût. Il a expliqué aux membres du conseil et à l'audience dans la salle qu'étant donné que la pandémie et les règlements provinciaux ne lui permettent pas d'opérer le Festival en août 2020 tel qu'attendu, il bénéficiera du même privilège en 2024 et pourra alors fêter le 25e anniversaire de son événement. Et ce, au même tarif qu'en 2019.

C'est ce que j'appelle une extension des privilèges du maire de Saint-Robert. Il a pu expliquer sa demande, il ne s'est pas retiré de la salle et semblait très à l'aise avec ce privilège extensif.

Je me demande parfois pourquoi il y a si peu d'intérêt aux affaires et aux politiques municipales, je pense que ce fait nous démontre assez adéquatement pourquoi les gens deviennent indifférents et passifs face aux affaires publiques. Le despotisme n'existe peut-être pas qu'ailleurs.