dimanche 20 février 2022

Il devait coûter 7,4 milliards, la facture atteint 21,4 milliards de dollars

Le projet d'expansion du pipeline Trans Mountain, propriété du gouvernement Trudeau, voué à exporter du pétrole des sables bitumineux, a publié une "mise à jour" vendredi. 14 milliards de dollars de plus que ce qu'évoquait le gouvernement Trudeau lors de son achat en 2018. Le Canada venait de racheter le pipeline Trans Mountain et le projet d'expansion à la pétrolière Kinder Morgan, du Texas.

La facture grimpe donc de 290 %. Ces pipelines doivent être construits d'ici "la fin de 2023". Ils transporteront annuellement 325 millions de barils de pétrole des sables bitumineux de l'Alberta juqu'à un port situé près de Vancouver. Le débit sera triplé. Le nombre de pétroliers chargés sera multiplié par 7 dans cette région, il passera de 5 à 34 bateaux par mois.

L'injection de fonds publics demeurera à 12,6 milliards de dollars, le même montant que celui prévu en 2020, a souligné la vice-première ministre Chrystia Freeland. Trans Mountain Corporation devra trouver 8,8 milliards de dollars par du financement sur le marché de la dette publique ou auprès d'institutions financières.

Le sociologue Éric Pineault, membre de la Chaire de recherche UQAM sur la transition écologique, doute des perspectives économiques optimistes exprimées par le gouvernement Trudeau. "Il est certain que l'amortissement des coûts beaucoup plus élevés ne correspond pas à ce qui avait été prévu initialement au moment de l'achat du projet. Mais l'État se charge de lui fournir une infrastructure d'exportation à même l'argent public".

Selon une étude publiée en 2021 par une équipe de chercheurs de l'Université Simon Fraser, en Colombie-Britannique, les Canadiens risquent de perdre plus de 12 milliards de dollars avec ce projet d'agrandissement. Aucun scénario ne permet de démontrer que le projet pourrait générer un bénéfice pour le gouvernement.

Pour Greenpeace et son porte-parole,  Patrick Bonin, ce projet est un véritable éléphant blanc, un gaspillage de fonds publics.

(Source: article d'Alexandre Shields, du 19 février, dans Le Devoir)


mercredi 16 février 2022

Le citoyen: une personne à part entière

 Octobre 2021. Le philosophe Giorgio Agamben fait une intervention choc devant le Sénat italien : « Des scientifiques et des médecins ont déclaré que le green pass [passeport sanitaire européen] n’avait aucune signification médicale en soi, mais servait à forcer les gens à se faire vacciner. Mais je pense qu’il faut dire le contraire : que le vaccin est un moyen de forcer les gens à avoir le green pass. C’est-à-dire un dispositif de surveillance et de suivi des individus, une mesure sans précédent. »

Intellectuel engagé contre les totalitarismes et universitaire respecté, Agamben est né à Rome en 1942. Il s’inscrit dans la lignée des Hannah Arendt, Michel Foucault et Walter Benjamin. Pour lui, aucune élite ne cherche à contrôler à dessein la population mondiale. Il voit plutôt dans la crise actuelle une manifestation de la dérive « biopolitique » de nos sociétés.

La grandeur de nos sociétés démocratiques vient de la considération de chaque citoyen comme une personne à part entière, et non comme d’un simple organisme vivant, fondu dans une masse anonyme.

Concept développé dans les années 1970, justement par Michel Foucault, la biopolitique est l’ambition du pouvoir d’intervenir non pas seulement sur des territoires, mais sur des individus, et ce, jusque dans leur vie biologique. L’objectif avoué est d’optimiser la force vitale collective, mesurée entre autres par le taux de natalité et de mortalité.

La quarantaine obligatoire est l’exemple type de la biopolitique. Ce n’est plus la personne qui est coupable et excommuniée, mais son corps. L’État ne gère plus des sujets, mais des objets, plus faciles à mesurer et surveiller.

C

Certes, personne n’est contre la protection de la vie. Mais tout l’enjeu est de savoir de quelle vie nous parlons ici. Le biopouvoir n’examine que la vie corporelle, sans considération de la vie émotionnelle, intellectuelle, et encore moins spirituelle. Pourtant, « la vie en abondance » (Jn 10, 10) ne se mesure pas quantitativement, mais s’estime qualitativement. Vivre certes plus longtemps, plus nombreux, plus en santé et plus en sécurité… mais sans but ! À quoi bon ?

Pour une politique du visage

Pour le philosophe italien et grand lecteur de Simone Weil, il faut s’inquiéter que nous passions sans trop nous en rendre compte d’une société démocratique à une société de contrôle. À long terme, la biopolitique viderait « le Parlement de ses pouvoirs, le réduisant à simplement approuver – au nom de la biosécurité – des décrets qui émanent d’organisations et d’experts – et non d’élus – qui ont très peu à voir avec le Parlement ». D’autant plus, selon lui, que « la sécurité et l’urgence ne sont pas des phénomènes transitoires, mais constituent la nouvelle forme de gouvernabilité. »

Agamben ne se prononce pas sur le vaccin et le passeport vaccinal d’un point de vue médical. Même si ces mesures peuvent être efficaces, il avertit nos politiciens de faire très attention à ne pas créer un enfer sur terre en voulant ériger un paradis ici-bas. La grandeur de nos sociétés démocratiques vient de l’extrême respect des libertés individuelles et de la considération de chaque citoyen comme une personne à part entière, et non comme d’un simple organisme vivant, fondu dans une masse anonyme.

Plus que la biopolitique, soit une politique qui gère et contrôle des vivants, nous avons besoin d’une prosopolitique (du grec prosopon, « personne », « ce qui est face aux yeux d’autrui – son visage »), soit une politique où sont en relation des personnes en vue du bien commun.

Simon Lessard

Rédacteur et responsable de l’innovation au Verbe, Simon Lessard est diplômé en philosophie et théologie. Il aime entrer en dialogue avec les chercheurs de vérité et tirer de la culture occidentale du neuf et de l’ancien afin d’interpréter les signes de notre temps.

mardi 15 février 2022

L'océan et son double digital révolutionnaire

Est-il normal de mieux connaître la planète Mars que l'océan, se questionne Pascal Lamy qui dirige la mission Starfish 2030 à la Commission européenne. Cette mission vise à régénérer l'océan dans les dix prochaines années. 75 % de l'océan est inexploré. Le numérique pourrait en révéler les secrets.

Une centaine de scientifiques et de numériciens élabore des modélisations de l'océan mondial. À Toulouse, depuis 20 ans, ils tentent de réaliser une réplique digitale remplie par un puissant outil de compilation de données marines.

Pour mieux comprendre l'ensemble des zones de la planète où l'eau est présente, soit 67 % de la surface terrestre.Pour préserver, pour analyser l'impact réel des mesures d'atténuation des risques pesant sur l'océan. 

En chiffres: 

  • L'océan contient 97 % de l'eau de la planète.
  • L'océan contient 50 % de l'oxygène de la planète.
  • L'océan absorble 25 % du dioxyde de carbone que nous produisons en excès.
  • L'océan absorbe 90 % de l'excès de chaleur produite par le réchauffement climatique.
  • L'océan apporte 20 % des protéines animales à 3 milliards d'individus.
  • L'océan compterait 1 million d'espèces marines, Nous en connaissons que 25 %.
  • Dans l'océan, chaque année, nous déversons près de 18 millions de tonnes de plastiques.
(Source: article d'Alice Pairo-Vasseur, dans Le Point, no 2583, du jeudi 10 février) 

dimanche 13 février 2022

La radio tojours vivante

 En cette Journée mondiale de la radio, on se rappelle qe le Centre d'études sur les médias rapporte que 70 % des auditeurs étaient à l'écoute de la radio dans les transports avant la pandémie. Pourtant la radio demeure encore bien écoutée, surtout la radio parlée. "Dans toutes les crises que nous avons vécues au Québec ces cinquante dernières années, comme la crise du verglas, il y a toujours eu un besoin pour la radio parlée. Dans un contexte de désinformation lié à la pandémie, la radio est encore perçue comme une source d'information crédible" soutient Caroline Paquet, présidente de Cogeco Média.

La Première chaîne de Radio-Canada a même connu une hausse de 7 % de son auditoire entre l'automne 2019 et l'automne 2021. "La radio permet une grande proximité qu'on ne retrouve pas ailleurs", soutient Caroline Jamet, la directrice de la radio de Radio-Canada.

(Source: un article d'Étienne Paré dans Le Devoir de ce week-end)

vendredi 11 février 2022

Les Québécois consomment différemment des Canadiens

Le taux d'inflation annuel au Québec était de 3,8 % en 2021, alors qu'il était de 3,4 % au Canada. Ce matin, l'ex-ministre des Finances et de l'Économie du Québec, maintenant professeur titulaire au Département des sciences économiques de l'École des sciences de la gestion de l'UQAM, Nicolas Marceau, nous  en précise les distinctions dans la section Point de vue du journal Le Devoir.

Les taux d'indexation utilisés par les gouvernements ne reflèteraient pas l'inflation auquelle les ménages moins fortunés font face. Les ménages à faible revenu subiraient une diminution de leur pouvoir d'achat et s'appauvrissent à cause des disparités pour les divers biens et services consommés.

Au Canada, l'essence a augmenté son prix de 33,3 % en 2021, le transport en commun a diminué le sien de 2,8 %. Au Québec, c'est plutôt 36,6% et 4,8 % respectivement. Au Québec, pour les aliments, la croissance est de 5,2 %. La viande a augmenté de 7% et les fruits frais de 9,1 % . Par contre, le prix des légumes n'a crû que de 1,3 % et  celui des oeufs a diminué de 1,1  %. Dépendant de ce que l'on consomme, de l'endroit où on vit, l'inflation varie.

Pour calculer l'indice des prix à la consommation, Statistique Canada utilise des données d'enquête et construit un panier fictif consommé par le Canadien moyen (PCM). À chaque mois, dans plusieurs lieux, elle mesure les prix de divers biens et services du PCM. L'inflation est simplement le taux de croissance de la dépense associée au contenu du PCM.

Mais peu de personnes consomment très précisément le PCM. Le Québécois moyen dépensait en 2019 en biens et services de consommation courante la somme de 58 028 $, le Canadien moyen avait plutôt dépensé 68 890 $, une différence de plus de 10 000 $. Le Québécois moyen consacrait 16,9 % de ses dépenses en aliments et 5,1 % en soins de santé. Le Canadien moyen en dépensait 14,9 % et 4 % respectivement.

Les 65 ans et plus, en 2019, dépensaient 48 453 $ en consommation courante pour l'ensemble du Canada, soit 20 000 $ de moins que le Canadien moyen. Leurs dépenses aux aliments étaient de 16,7 % et celles pour leurs soins de santé était de 6,5 %. Comme le Québécois moyen, les aînés consacraient une proportion plus importante de leurs ressources en aliments et en santé que le Canadien moyen.

Le Québécois de 65 ans et plus ne consomme pas le même PCM que le Québécois moyen ou le Canadien moyen. L'indexation des pensions de vieillesse et le Supplément de revenu garanti sont indexés en fonction du taux d'inflation officiel canadien, basé sur le PCM. Un taux bien différent auquel est exposé en réalité le Québécois de plus de 65 ans.

Québec indexe les prestations du Régime des rentes du Québec, le salaire minimum, les prestations d'aide sociale en fonction du taux d'inflation annuel officiel au Québec, fondé sur le PCM. Les retraités québécois, les travailleurs au salaire minimum, et les prestataires d'aide sociale recevront des revenus dont le taux d'indexation utilisé est bien différent de leur vécu réel au quotidien.

Les conséquences d'une sous-indexation sont une réduction du pouvoir d'achat, un appauvrissement assuré. Nicolas Marceau se demande "à quand une mesure officielle de l'inflation pour les personnes aînées ou celles à faible revenu ?" Bonne question, quand il nous précise que Statistique Canada a publié en 2005 et en 2019 des études qui montraient toutes deux un écart défavorable pour les aînés. Statistique Canada a l'expertise. Les gouvernements pourraient leur demande d'en faire une publication, de ces taux d'inflation différenciés. Quand le feront-ils ?


jeudi 10 février 2022

La croissance démographique par l'immigration internationale plus que par la fécondité

Depuis 5 ans, la population canadienne a augmenté de 5,2 %, le rythme de croissance démographique le plus important du G7. Hier, Statistique Canada a révélé ses premiers résultats du recensement réalisé l'an dernier. Quatre personnes sur cinq des habitants supplémentaires ont immigré. Depuis 2015, les cibles d'immigration pour les immigrants permanents et temporaires ont augmenté.

Même si la population québécoise a augmenté de 4,1 % pour cette période, son poids démographique diminue pour un onzième recensement consécutif canadien. Alors qu'en 2016, les Québécois étaient à 23,2 % de la population canadienne, en 2021, le pourcentage a diminué à 23 %.

La fécondité est aussi en baisse au Canada. Passé de 1,47 enfant par femme en 2019, la fécondité a réalisé un creux en 2020 à 1,4 enfant par femme.

L'étalement urbain s'accélère aussi, selon Statistique Canada. En 2021, 73,7 % des Canadiens vivaient dans un grand centre urbain. En 2016, c'était plutôt 73,2 %. "Les villes situées juste à l'extérieur de ces grands centres" bénéficient aussi de ces déplacements des personnes qui désirent vivre à proximité des quartiers centraux.

(Source: article de Sandrine Vieira, dans Le Devoir  d'aujourd'hui)


mardi 8 février 2022

L'arrêt de mort de l'exportation de gaz naturel albertain par GNL Québec

Après que le Québec ait rejeté le projet de GNL Québec l'été dernier, après des démissions, des licenciements et le retrait d'importants investisseurs, les promoteurs avaient décidé de poursuivre le processus d'évaluation environnementale fédérale. On maintenait encore des lobbyistes actifs tant au Québec qu'à Ottawa.

Hier, le gouvernement fédéral, par une annonce du ministre de l'Environnement, Steven Guilbeault,  a précisé que les "effets environnementaux négatifs importants que le projet est susceptible d'entraîner ne sont pas justifiables dans les circonstances". GNL Québec désirait construire une usine de liquéfaction, un terminal maritime d'exportation à Saguenay et un gazoduc de 480 kilomètres nécessaire pour acheminer le gaz naturel albertain. C'était le plus gros projet industriel privé de notre histoire québécoise, avec la nécessité d'obtenir 14 milliards de dollars pour sa réalisation.

Selon le rapport publié hier, l'Agence d'évaluation d'impact du Canada (AEIC) écrit que ce projet nuirait aux efforts climatiques du Canada, à l'atteinte de la "carboneutralité" d'ici 2050. C'est un rejet des affirmations du promoteur selon lesquelles le projet serait bénéfique pour la lutte contre la crise climatique. Aucun scénario n'était crédible pour l'Agence. De plus, l'AEIC écarte l'argument que le gaz naturel serait un partenaire de la "transition énergétique".

Afin de respecter les objectifs de l'Accord de Paris sur le climat de décembre 2015, les pays doivent "renoncer" à autoriser le développement de "nouveaux sites pétroliers et gaziers".

Laisser circuler 320 méthaniers sur le Saguenay chaque année aurait pu porter des risques majeurs pour des mammifères marins en péril, dont le béluga du Saint-Laurent. 

Toutefois, d'autres projets, comme le projet LNG Canada, sont toujours soutenus par le gouvernement fédéral. En Colombie-Britannique, le plus important projet du genre au Canada, est en cours de construction. Il est alimenté en gaz par le gazoduc Coastal Gaslink, encore controversé.

Dans l'est du pays, le projet Goldboro LNG est envisagé en Nouvelle-Écosse. Il faudra d'abord construire un nouveau gazoduc qui traverserait le territoire de plusieurs municipalités du sud du Québec. Les élus de Saint-Robert ont déjà annoncé qu'il n'appuyait pas la construction de ce gazoduc.

(Source: article d'Alexandre Shields dans Le Devoir d'aujourd'hui)