vendredi 14 janvier 2022

Comment démanteler les services publics

D'abord miner la confiance des citoyens à l'égard d'un système de santé public universel. En 1976, il y avait environ 7 lits d'hôpital par mille habitants au Canada. En 2019, il n'en restait que 2,5. Lentement, il devient normal que les urgences débordent et que les ressources humaines sont insuffisantes.

Deuxièmement, quand il est temps d'équilibrer les finances publiques, presser le citron des métiers féminins: les infirmières, les enseignantes, les travailleuses sociales, les éducatrices de service de garde, les employées du secteur communautaire. Dévaloriser ces métiers, couper dans le filet social, diminuer les budgets dans la prévention de la santé publique.

Troisièmement, les services publics devenus fragiles, à l'arrivée d'une crise, le gouvernement insistera sur la responsabilité individuelle des citoyens pour ne pas engorger le système de santé et protéger les personnes les moins loties. Ainsi sera détournée l'attention des manquements gouvernementaux. Alors ce sera une minorité de personnes malfaisantes qui fera écrouler les institutions. Afin de demeurer un dirigeant populaire, les responsables des institutions ne seront pas mis en cause.

Quatrièmement, dévaloriser les sciences sociales permettra de mettre en place des mesures liberticides et d'ensuite être surpris des externalités négatives sur les enfants, les femmes et les plus vulnérables.

Cinquièmement, déprimer les personnes physiques et épargner les personnes morales. Il deviendra adéquat de fermer les écoles, mais il ne sera pas bien vu de fermer les entrepôts des sociétés internationales qui sont disposées à livrer rapidement toute commande passée virtuellement. L'être humain devient réduit à travailler, consommer et dormir. Les politiques populistes seront mieux acceptées par une population découragée et en colère. Les boucs émissaires seront ciblés et les véritables lieux de pouvoir demeureront inoffensifs.

Sixièmement, le gouvernement proposera une contribution santé pour les non-vaccinés, basée sur des renseignements contenus dans leur dossier médical, confidentiel normalement. On ne se questionnera plus sur la diminution des lits d'hôpitaux depuis 1976. On réfléchira plutôt sur la force de punition à exercer sur les marginaux.

Septièmement, laisser le mouvement populaire demander plus de mesures punitives à l'endroit du groupe démonisé, sans lien direct avec la nécessité de sauver des vies et de réduire le nombre de malades. Quand arrivera une autre crise, les dirigeants pourront s'attaquer au principe d'universalité du système public. L'objectif de détruire le filet social sera ainsi bientôt atteint. La responsabilité des maux sociaux et politiques reposera encore sur des quidams. 

Si l'énergie critique populaire cessait de se diriger vers les marges, si elle se concentrait plutôt sur ce qui se passe en haut des échelons sociaux et politiques. Le plan pourrait heureusement ainsi ne pas se réaliser. Quelle tristesse!...

(Source: article de Emilie Nicolas, Démantèlement public 101 dans Le Devoir du 13 janvier)


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