samedi 25 décembre 2021

La nouvelle réalité du travail: retour au monde d'autrefois

L'écrivain Joseph Ponthus, décédé cette année à 42 ans, a pondu un livre hommage, À la ligne, un récit que tous les précaires, les invisibles, les sans grades, comme dirait Michel Onfray reconnaîtraient. Le travail en usine, routinier, où plusieurs personnes passent leur "huits heures" de travail quotidiennement, dans un rapport au monde souvent oublié. Et soudain, on se rappelle la vie des travailleurs des abattoirs, des manutentionnaires des SAQ et Amazon de ce monde ou celle des petites mains des services de soutien à l'enfance, pour ne donner que quelques exemples, souligne l'historien et chroniqueur tant aimé, Jean-François Nadeau, dans son dernier billet de 2021, celui du 20 décembre dernier, dans Le Devoir.

Nadeau nous invite à réfléchir à ce que nous ferons pendant ce temps d'arrêt, celui du temps des Fêtes. On nous répète sur tous les tons: "Reposez-vous! Prenez du temps pour vous!" Pour nous détendre, les commerçants nous enjoignent d' "acheter plus et d'économiser davantage". Nous nous agiterons à consommer plus que de raison. Nous parlerons ensuite avec contentement des rabais d'échelle obtenus dans différents centres commerciaux, tous voués à faciliter notre surconsommation.

Les célébrations de Noël s'occupent "des rites, des convenances forcées faites de sourires forcés, de quelques becs pincés, au beau milieu de fragiles moments de bonheur avec des gens lointains qui nous sont pourtant proches". Mais pandémie oblige, ces habitudes, même désagréables parfois, deviennent rapidement comme des manques.

Tout va tellement vite qu'apparemment nous n'avons plus le temps de lire, nous rappelle Nadeau. Mais combien de personnes trouvent du temps pour écouter des téléséries interminables, les unes après les autres ? Combien de temps consentons-nous à demeurer captifs de nos écrans dont il ne nous reste plus qu'un vague souvenir à raconter dans des fragments de conversation ? Nos écrans deviendraient le témoin parfait de l'uniformité asséchante de notre mode de vie américanisé, écrit l'essayiste Simon-Pierre Beaudet.

Quand le capitalisme a pris de l'expansion, les patrons facturaient la lumière qui éclairait faiblement les ouvriers, nous explique l'historien. Les "patrons n'allaient tout de même pas payer pour éclairer la noirceur de leurs conditions!" On se croit affranchis de ces conditions misérables où le corps n'est "qu'une simple annexe vivante de machines de toutes sortes". 

Depuis l'avènement de la pandémie, les liens entre les personnes se sont coupés. Les outils de production redeviennent fournis par l'employé. Un espace de travail au sein de l'entreprise n'est plus fourni. Alors que le travailleur pense devenir plus autonome, n'est-il pas devenu plus servile que jamais ?

Ponthus rappelle que, pour une large partie de l'humanité, attendre et espérer demeurent encore bien présents. Monte-Cristo écrivait: "l'humaine sagesse était tout entière dans les seuls mots: Attendre et espérer !"

Jean-François Nadeau nous invite à être sages, mais pas trop.


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