dimanche 21 novembre 2021

La raison et la croyance, le savoir et la foi: voir ce film " Une révision" au cinema régional

Étienne enseigne la philosophie au cégep fictif Lafontaine à Montréal. Nacira n'accepte pas la note qu'Étienne lui donne pour sa dissertation. L'échec vient  du fait que la consigne interdisait de recourir à des textes religieux. Pourtant Nacira a cité le Coran: elle avait écrit que la vie présente est une jouissance trompeuse. Elle n'avait pas écrit ce que le prof veut entendre. Pour Étienne, ce n'était pas un élément argumentatif: "nos émotions nous induisent en erreur". Tout doit s'expliquer avec la science. "On est juste de la matière". "Imiter les autres sans réfléchir, c'est être insignifiant". Nacira lui répond: "Des fois je vois Dieu partout, même quand je te regarde".

Le scénario a été écrit par Louis Godbout et Normand Corbeil, anciens professeurs de philosophie eux-mêmes. "On peut être philosophe à moitié et croyant à moitié", estime Louis Godbout, mais les deux rôles principaux sont aussi très proches l'un de l'autre, ils ne font rien à moitié, ni l'un ni l'autre. Étienne est un philosophe spinoziste radical qui croit au travail de la raison et au salut par la raison. Nacira a une foi exigeante, sans être ardente; elle ne veut pas faire semblant de croire. "Ma foi, vous ne la prenez pas au sérieux". Mais  "au-dessus des principes, il y a la joie" (Spinoza), lui rappelle Étienne. Elle se questionne, elle doute, elle cherche un adversaire et un confident, néanmoins aussi à sa hauteur, ajoute le scénariste Godbout. Nacira préfère la confrontation. "J'ai le droit d'avoir des croyances". "La vérité, c'est important, lui aussi, il cherche". "Je voulais le convaincre". Et son père répondra à sa fille Nacira: "On veut que ce soit vrai pour les autres aussi, parce que tu voulais te convaincre toi-même". "Le courage c'est important. Je suis fier de toi, vraiment". La contestation est aussi un appel à l'aide, c'est aussi l'importance de la liberté de conscience.

Deux visions opposées, rigides, néanmoins un dialogue réussit à s'installer, avec tendresse et affection. Patrice Robitaille, le professeur et Nour Belkhiria, l'étudiante, sont des interprètes très crédibles. Ils nous offrent l'illustration du clientélisme qui s'approche de la corruption dans le monde de l'éducation: la réussite garantie à tout prix, un rôle de bienveillance devant les étudiants. L'établissement instrumentalise un discours de la bien-pensance, politiquement correct, une politique de la facilité, la peur d'avoir tort. Même le vieux professeur d'Étienne  (Pierre Curzi) lui dira de se rappeler du devoir moral chez Kant. "Nos motifs sont pas aussi purs qu'on le pense". Étienne profite-t-il de son pouvoir pour vendre son athéisme aux étudiants?", pense la direction. "Il n'a pas à former à la philosophie mais à former par la philosophie". 

"La facilité, c'est ce qui rassemble au fond tous les antagonistes d'Étienne et de Nacira: il y a une différence entre croire, avoir des principes, et croire que l'on croit" selon Louis Godbout. "Il y a une différence entre y croire vraiment et adopter un discours de surface".

"J'ai l'impression que dans l'enseignement, il y a une peur... Les établissements se libèrent de leur imputabilité, et cette frilosité-là donne lieu à des situations qui peuvent être absurdes", note Patrice Robitaille. "C'est tellement une main tendue, un échange. À la fin, les deux personnages ont évolué", ajoute-t-il sous la plume de François Lévesque dans Le Devoir  du 26 octobre.

"Tout ce qui est beau est difficile autant que rare", entend-on à la fin du film. Ainsi en va-t-il de la musique du film composée par Philippe Brault et la musique préférée de la mère décédée depuis cinq ans entendue dans la maison de Nacira, celle de Léonard Cohen.

Un film que j'ai tellement aimé que je le recommande à tous. Un film d'actualité sur la liberté d'expression et la liberté académique, la liberté de pensée.


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