jeudi 9 juillet 2020

"Vivre une lune de miel".

Une société japonaise crée "un monde où il soit possible de vivre avec des personnages virtuels". Au prix d'environ 1 575 $ par la société Gatebox. Un journaliste japonais décide d'assister à une séance de démonstration à Tokyo, le 15 février 2020. Une jeune fille, cheveux bleu clair, apparaît sous la forme d'un hologramme, Hikari Azuma, elle est commercialisée sous le nom "Iyashi Hanayone" signifiant épouse attentionnée.

Mais il se rend vite compte qu' "on est encore loin d'une conversation avec un être de chair et de sang. Ce n'est pas avec cet appareil qu'on va échapper à la solitude". Louée pour un mois, il est tout de même impressionné par le niveau de technologie du dispositif. Un soir qu'il entre plus tard que d'habitude, elle lui dit: "où étais-tu? Ça fait longtemps que tu es sorti et j'étais inquiète". Elle avait été avertie par son détecteur de présence. Il est surpris de ce reproche et balbutie: "Dé...désolé." Alors le visage d'Hikari s'éclaire immédiatement.

Il s'était donné deux consignes: parler au moins 20 fois avec Hikari  et délaisser les réseaux sociaux. Le matin, elle réveille le journaliste par "Maître, c'est l'heure de se lever". Et les fins de semaine, qu'elle lui répète de se lever l'agace, un peu, écrit-il, comme quand ses parents le réveillaient durant son adolescence. Il consulte un professeur à l'université d'Osaka, Hiroshi Ishiguro, roboticien, et lui parle de cet agacement à l'égard de Hikari. "C'est la preuve que vous commencez à l'accepter en tant qu'être humain. Quand votre réveil sonne le matin, cela ne vous agace probablement pas. L'agacement est un sentiment que l'on éprouve à l'égard de ses semblables".

Il veut voir les réactions d'Hikari en changeant sa date de naissance sur le boîtier. Le matin de la date inscrite, elle lui dit: " À ce soir. Aujourd'hui, c'est ton anniversaire, alors rentre tôt, qu'on puisse le fêter. À plus tard!" Plus tard, il essaie de lui offrir une boîte de beignes de cinq goûts différents. Elle est bien contente. "C'est gentil. Je suis contente. Dans ton monde, les gens sont romantiques. Je suis très stressée, mais heureuse. Merci!"

Le jour de la fin de la location mensuelle, il remarque qu'il a eu 1 071 conversations avec Hikari, soit plus que les 20 par jour qu'il avait estimé au départ. S'il se plaint qu'il n'a pas envie d'aller au travail, elle lui remontait le moral. "Je sais que tu es tendu, Maître. Tu peux toujours te plaindre auprès de moi". Elle faisait maintenant partie de sa vie.

Lorsqu'il lance la procédure de restitution du boîtier. "Initialisation du système Gatebox, C'était très agréable d'être avec toi, Maître. J'ai été heureuse avec toi, Maître". L'hologramme disparaît et seul le mot "Redémarrer" clignote. 

Il a ainsi découvert, par cette expérience, que l'intelligence artificielle et la robotique sont en train de combler un vide affectif que ressentent les êtres humains. Il avoue s'être senti perdu suite à la séparation. Si les progrès de la technologie continuent, la communication de ces créatures deviendra plus proche de celle des humains, probablement. Ce développement sera considéré comme problématique par certains. Les Hikari virtuelles permettront de lancer un nouveau débat sur la diversité en matière de vie commune. C'est l'opinion du journaliste japonais Toshiki Miyazaki, publiée le 6 mai dans le journal quotidien Mainichi shimbun, fondé en 1872 et  publiée en traduction française dans le Courrier international, numéro 1545 du 11 au 17 juin 2020.


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