mardi 3 janvier 2017

Précurseur de l'idée du contre-pouvoir: Machiavel

Les théories fondatrices de la démocratie moderne ont été influencées par Nicolas Machiavel, le conseiller des tyrans. Le libéralisme du 17e affirme que l'intérêt individuel et la relation contractuelle de deux volontés sont primordiaux. Le florentin Machiavel remet plutôt au premier plan la spécificité de l'institution commune et l'attachement des citoyens à la vie publique pour fortifer et ordonner le pouvoir. Une forme de partage du pouvoir et la reconnaissance de la variété sociale des pouvoirs, selon lui, se conjugue avec l'ordre civil.
 
L'égalité entre les citoyens renvoie au fait que tous se trouvent à égale distance du pouvoir et assument volontairement l'obligation de participer aux charges publiques. La pensée de Machiavel apparaît aux antipodes de l'absence de scrupules et du cynisme, elle prône la responsabilité civile partagée entre tous les citoyens, peu importe sa condition sociale.
 
Un État reposant sur le consensus est fragile. Les différends vivement exprimés par les citoyens sont favorables à la liberté, selon lui. La dynamique des passions peut fortifier un État. Les citoyens qui désirent  d'abord jouir de la tranquilité seraient les fossoyeurs de l'autonomie de leur État.
 
Machiavel revendique la fécondité des désaccords et des dissensions comme des reflets du caractère hétérogène de la société. La vertu du chef n'est pas de faire cesser les dissensions mais consiste à distinguer celles qui sont favorables au bien public et celles qui peuvent lui nuire. Il laissera s'exprimer au mieux les premières puisque l'agitation des "humeurs"  fortifie la cité.
 
Pour lui, la corruption la plus subtile est la confusion entre l'intérêt privé et l'investissement civique. Elle peut prendre la forme de l'utilisation des moyens de l'État à des fins personnelles, tous les cas possibles de favoritisme, la collusion systématique des élites politiques d'une part et financières ou sociales de l'autre. Des actions en apparence désintéressée comme le mécénat constituent aussi  parfois un puissant moyen d'obtenir un avantageux prestige auprès de ses concitoyens.
 
La "peoplelisation" actuelle  de la politique sème la confusion entre le brio privé et les qualités civiques des prétendants au pouvoir. Montesquieu reprend l'idée qu'il n'y a que le pouvoir qui puisse arrêter le pouvoir. Arrive la théorie fondamentale de distinguer les pouvoirs et de séparer les fonctions de l'éxécutif, du législatif et du judiciaire afin qu'ils se surveillent mutuellement. La présence d'un engagement individuel généralisé et désintéressé, la présence civique réaffirmée, pourra contrer les effets pervers de nos démocraties.
 
Pour maintenir la liberté, la primauté de la sphère civique d'une égalité bien comprise doit dominer la prédominance de l'intérêt personnel au plan social. Ainsi Machiavel devient une boussole théorique pour notre époque de confusion des genres.  Il nous répète que valoriser sa situation personnelle aux dépens de son mandat est nuisible au bien commun et injustifiable.
 
(Source: le Prince et un article de Thierry Ménissier dans le nouvel Observateur numéro 66)

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