Les solutions macroéconomiques ne pourront pas résoudre les
répercussions de cette nouvelle pandémie. C'est une crise à la fois de l'offre
et de la demande. L'offre diminue car les entreprises peuvent produire moins
avec moins d'employés, distanciés pour se protéger du virus. La demande recule
car les gens restent chez eux et certains biens et services qu'ils consomment
habituellement ne sont pas disponibles maintenant.
Serait-ce le retour à l'économie naturelle? L'opposé exact
de la mondialisation. Depuis des décennies, le succès reposait sur la division
du travail entre les nations. Les pays songent désormais à rechercher
l'autosuffisance. Si la normalité revenait d'ici moins d'un an, la
mondialisation se poursuivrait probablement, selon l'article de Branko
Milanovic publié dans le Foreigh Affairs de New York. Il faudra
pourtant revoir la production en flux tendu (just in time).
Mais si la pandémie persiste, ce pourrait être la fin de la
mondialisation. Les obstacles à la libre circulation des biens, des
personnes et des capitaux pourront s'installer. La peur d'une nouvelle
épidémie pourrait inciter les États à miser sur l'autosuffisance. Se
rejoindraient alors les intérêts économiques et sanitaires. Si on exigeait un
simple certificat médical avant de prendre l'avion, en plus du passeport ou
d'un visa, un tel obstacle nuirait au retour au monde d'avant.
Entre le IVe et VIe siècle, une multitude de
petits territoires indépendants a émergé lors de la désintégration de l'Empire
romain. Le commerce se résumait à des échanges de biens excédentaires entre les
territoires. Il n'était pas question d'une économie où une production devait se
spécialiser pour un acheteur éventuel. "C'était le retour à l'artisanat de
subsistance, destiné au marché local et aux commandes des environs".
Etre capable de produire notre propre nourriture, ne pas
dépendre des réseaux publics de distribution d'eau et d'électricité, la
nourriture étant préparée par notre famille et non par des personnes
potentiellement infectées, c'est une manière d'être mieux protégé d'une
contamination.
La peur des épidémies et de la mort guiderait alors le
retour à l'économie naturelle. Sur le plan humain, les conséquences de la
pandémie risquent de conduire à une désintégration sociale. Ceux qui perdront
espoir, emploi et ressources pourraient se retourner contre ceux qui sont le
mieux lotis. Sans emploi ni argent, ni accès à des soins dignes, les gens
pourraient tomber dans la colère et le désespoir comme lors des pillages
observés après l'ouragan Katrina en Nouvelle Orléans en 2005.
Le principal objectif de la politique économique ne
devrait-il pas être de prévenir une telle dislocation sociale? Les indicateurs
économiques ne doivent pas aveugler les décideurs des pays avancés, mais chacun
devra se rappeler que le rôle essentiel de la politique économique est de
maintenir des liens sociaux forts en cette période à pression extrême.
(Source: Le Courrier international, no1536 du 9 au
15 avril 2020)
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